M. La régulation des conflits entre élèves

 

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« L’école est censée construire des ressources pour les élèves, non les supposer « déjà là » et en constater les absences. »

Elisabeth Bautier & Patrick Rayou (2013)

 

Introduction et buts

Faire le constat de la présence de conflits à l’école paraît d’une grande banalité. En effet, les élèves passent une trentaine d’heures par semaine dans un bâtiment scolaire, une même classe; il devient alors difficile de nier que cet espace hautement relationnel soit un milieu émotionnellement très actif où émergent des tensions. Si l’existence de conflits apparaît si « évidente » à l’école, il semblerait tout aussi « évident » que l’institution – au regard de sa mission manifeste de socialisation – permette à ses principaux acteurs d’acquérir les compétences nécessaires pour les réguler adéquatement.

Qu’est-ce qu’un conflit ? Le conflit est défini dans le dictionnaire comme une « rencontre d’éléments, de sentiments contraires, qui s’opposent ». Malgré les représentations intuitives, on ne retrouve pas de connotation particulièrement négative dans cette définition. Le conflit est fondamentalement neutre, mais son issue peut être destructive (p. ex. violences) ou constructive (p. ex. capacité de décentration, de communication) suivant la manière dont il est régulé par les différents protagonistes.

« Savoir » gérer un conflit n’est pas inné. Il est nécessaire d’expliciter les modalités propices à sa résolution. Cette compétence liée aux capacités transversales mentionnée dans le Plan d’études romand (PER), est indispensable au vivre-ensemble. Avant tout, il s’agit de faire comprendre les enjeux de la vie collective, le sens de la régulation, de la cohésion sociale et comment cette dernière se construit.

 

Déroulement pratique

Bien qu’il n’existe pas de recette magique, il apparaît impératif de réfléchir en amont sur les conditions qui participent à construire un environnement relationnel de qualité. Il sera utile notamment de :

  • Poser des repères éducatifs concrets et précis quant aux comportements attendus et « pourquoi » ils sont instaurés (sens). Les sanctions éducatives, en cas de transgression, doivent elles aussi être définies clairement et appliquées avec constance. Il est ici question d’apprendre aux enfants les règles collectives et de les responsabiliser en tant qu’acteurs sociaux.
  • Promouvoir quotidiennement un climat relationnel harmonieux, c’est-à-dire cultiver les aspects socio-affectifs des relations entre élèves (p. ex. chaleur des contacts, respect mutuel, soutien et solidarité). Stimuler le sentiment d’appartenance pour participer à la réduction des comportements antisociaux entre pairs (p. ex. hostilité, rejet).

On travaillera par ailleurs avec les élèves sur les compétences transversales. Autrement dit, il s’agit d’étayer, par exemple, des habiletés socio-émotionnelles (comment gérer ses émotions et celles des autres), langagières (comment s’exprimer clairement et avec respect), communicationnelles (comment négocier lors d’un différend), etc. Ces compétences ne sont pas « naturellement » présentes chez chacun. Elles doivent s’acquérir. Des ateliers spécifiques comme des activités intégrées dans les leçons peuvent y contribuer (voir le chapitre « Développement des compétences sociales »).

Il est utile également de mobiliser des outils concrets et adaptés aux élèves. Plusieurs ressources peuvent être envisagées en amont des conflits, citons par exemple les conseils de classe, les activités de philosophie, la pédagogie coopérative, la médiation, des activités éducatives. En ce qui concerne la gestion des conflits proprement dite, les élèves pourront s’appuyer sur des procédures adaptées (voir p. ex. la fiche des étapes de résolution de conflit ci-après). Les adultes peuvent, à ces occasions, permettre aux élèves d’acquérir les habiletés requises, tout en les encadrant selon besoin. Des formations et l’aide de médiateurs scolaires peuvent les aider à cet effet.

 

Facteurs clés de succès

  • Une cohérence, une constance et la mobilisation des compétences nécessaires de la part des professionnels de l’école dans leurs interventions ;
  • des règles et des sanctions éducatives claires pour tous ;
  • une posture éducative affirmée, relative à la place de l’autorité et au rôle éducatif de l’école (à la fois sur le plan institutionnel et personnel) ;
  • un climat scolaire qui promeut la collaboration, l’entraide et la gestion constructive des conflits (versus l’individualisme et la compétition).

 

Risques et difficultés

  • Un manque de formation des enseignants, peu outillés pour la gestion des dynamiques relationnelles ;
  • les représentations qui minimisent la mission éducative de l’école et son rôle dans la socialisation des élèves ;
  • le recours aux punitions non-éducatives qui ne permettent pas à l’enfant de comprendre le sens de ses actes et d’apprendre une façon d’agir alternative ;
  • la non reconnaissance des violences scolaires, comme par exemple le harcèlement (qu’il s’agit de distinguer clairement des situations de conflit).

 

En résumé

Les conflits font partie de la « normalité », ils sont inhérents à toutes les dynamiques relationnelles, indépendamment de l’âge, du niveau social ou du milieu culturel. Déstabilisants, les réguler ne s’avère pas si facile… Ainsi, comme le préconisent les textes officiels, l’école se doit de former les jeunes et futurs citoyens à acquérir des compétences transversales pratiques, pour être capables d’interagir équitablement au sein de différents groupes d’individus. Dès lors, il s’agit d’enseigner des « savoir-agir » clairs, qui font sens pour les élèves, afin de permettre une bonne régulation des échanges et de donner la chance à chacun de se développer comme un acteur conscient et coresponsable.

 

Exemple de fiche de résolution de conflit

Mon prénom : ……………………………………………………………………………………………………………

Trois étapes pour résoudre un conflit

Etape 1 : trouver un moyen de se calmer
(moi tout seul)

Moyen 1 : ………………………………………………………………………………………………………………….

Moyen 2 : ………………………………………………………………………………………………………………….

Moyen 3 : ………………………………………………………………………………………………………………….

 

Etape 2 : parler chacun son tour clairement
(avec mes camarades)

a)   des causes du conflit : …………………………………………………………………………………………

b)   de mes émotions : ………………………………………………………………………………………………

c)   de ce que je voudrais : …………………………………………………………………………………………

 

Etape 3 : chercher plusieurs solutions pour « faire la paix »
et se mettre d’accord (avec mes camarades)

Proposition 1 : …………………………………………………………………………………………………………..

Proposition 2 : …………………………………………………………………………………………………………..

Proposition 3 : …………………………………………………………………………………………………………..

 

Solution choisie ensemble :

…………………………………………………………………………………………………………………………………..

…………………………………………………………………………………………………………………………………..

…………………………………………………………………………………………………………………………………..

 

En cas de difficulté : s’adresser à un adulte.

 


Références

Bautier, E. & Rayou, P. (2013). Les inégalités d’apprentissage : programmes, pratiques et malentendus scolaires. Paris : Presses Universitaires de France.

Brenifier, O. & Bénaglia, F. (2015). Vivre ensemble c’est quoi ? Paris : Nathan.

Rueff-Escoubès, C. (1997). La démocratie dans l’école : une pratique d’expression des élèves. Paris : Syros.