N. Interventions en situations difficiles

 

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« Tous les groupes sociaux instituent des normes et s’efforcent de les faire appliquer, au moins, à certains moments et dans certaines circonstances. »

Howard S. Becker (2012)

 

Introduction et buts

Pour gérer des situations difficiles à l’école, les enseignants peuvent développer des démarches qui permettent à la fois d’anticiper et de donner à chacun des outils pour évaluer et construire des réponses adaptées à chaque situation. Les objectifs consistent d’une part à calmer le jeu et éviter des débordements supplémentaires, d’autre part à se doter de moyens pour traiter et produire une amélioration de fond pour les personnes et sur le contexte.

Le milieu scolaire est un terrain complexe où se rencontrent des acteurs adultes et jeunes (milieu hétérogène). C’est un espace en transformation, traversé par de nombreux changements. Au niveau des familles et de la société en général, les attentes face à l’école sont multiples et variées. Dans ce contexte, les enseignants se sentent parfois pris dans des contraintes, des attentes contradictoires et des pressions très fortes de la part des différents acteurs, partenaires de l’école. Dans une telle situation, une école peut être confrontée à des crises, qui peuvent générer un climat scolaire délétère, d’importants conflits interpersonnels ou de groupes, et des violences : violences entre élèves, voire entre adultes ou entre élèves et adultes.

 

Déroulement pratique

C’est par la prise en compte des facteurs de tension, des enjeux et des contraintes, que l’on produira des mesures adaptatives favorisant un véritable changement. Il s’agit avant tout de développer un dialogue, une intelligence collective sur ces questions.

Cela se concrétise par la constitution d’un groupe de référence comprenant les acteurs en lien direct avec la problématique. Un tel groupe peut être composé, par exemple d’un membre de la direction, d’enseignants et d’un intervenant spécialisé. Il a pour responsabilité de traiter les questions et de proposer des pistes d’intervention. Ces pistes peuvent se situer dans une fourchette large, du relais d’information au traitement des situations difficiles, en passant par l’organisation d’ateliers de formation, voire la mise en place de projets à moyen ou long terme.

Une première analyse permet au groupe de définir la nature de la situation et, par conséquent, de préciser la composition définitive du groupe d’intervenants.

Il s’agit notamment de :

  • déterminer si elle concerne un groupe d’élèves, une classe, plusieurs classes ou tout l’établissement scolaire (voire plusieurs établissements) ;
  • chercher qui peut avoir une influence pour agir sur cette situation ; celle-ci peut aussi concerner un animateur du centre de loisirs, un travailleur social, un médiateur scolaire, etc.

Dans une deuxième phase, le groupe de travail invite toutes les personnes identifiées à procéder à une lecture croisée des événements et des compréhensions subjectives. L’analyse sert à articuler différentes hypothèses pouvant expliquer la situation et vise à répondre aux questions suivantes : qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui se joue dans ce contexte en ce moment donné ? Le groupe définit la problématique dans sa complexité, sa construction, son déroulement et ses diverses causes (les enjeux, les tensions, etc.).

Suite à cette analyse, le groupe ébauche des pistes, définit des actions possibles et les critères pour en évaluer les effets attendus… ou indésirables. Une planification est établie. Ces pistes peuvent porter sur le court terme et ne concerner qu’un groupe d’acteurs, d’élèves et d’enseignants ; elles peuvent aussi s’inscrire dans le long terme, concerner un maximum de personnes adhérant à la démarche et toucher au contexte général ou à la qualité de vie dans l’école.

L’évolution pourra ultérieurement être vérifiée sur différents plans : résolution des conflits, climat de l’école, qualité des relations interpersonnelles, capacité d’accueil, d’écoute et de créativité, etc.

Pour être efficace, le groupe doit s’organiser, définir qui coordonne, qui convoque, qui prépare les rencontres et les anime. Il doit clarifier comment on l’interpelle, les chemins et moyens de communication, ses domaines de compétences ainsi que les relais possibles. Enfin, il se dote de règles de sécurité (d’écoute, de confidentialité, etc.).

 

Facteurs clés de succès

Dans les processus d’intervention, il est important de clarifier les règles de fonctionnement :

  • définir la place, le rôle et la fonction de chacun des acteurs ;
  • avoir une position transparente sur les mesures prises et les sanctions éventuelles et en organiser le suivi ;
  • identifier les actions possibles et les critères pour en évaluer les effets ;
  • accorder de l’importance à l’information à transmettre aux élèves comme aux enseignants et aux autres personnes concernées.

Il est important de :

  • ne pas rester seul face à une situation difficile, d’aller chercher de l’aide à l’extérieur pour ne pas s’enfermer dans la problématique ;
  • travailler à plusieurs pour prendre du recul sur les événements ;
  • garder le contact avec la hiérarchie pour se situer dans un cadre cohérent et avoir accès aux ressources institutionnelles.

Le défi majeur consiste à convaincre que quelques réunions collectives vont permettre de se coordonner efficacement pour qu’ensuite, chaque acteur puisse gagner du temps dans ses propres actions et dans l’enseignement.

Il importe de développer une vision systémique, de considérer l’interdépendance des différents facteurs qui ont conduit à la situation et de ne pas focaliser le problème, par exemple sur une personne.

 

Risques et difficultés

On relèvera ici notamment :

  • la délégation excessive, le désinvestissement des partenaires : la problématique devient l’affaire du seul petit groupe ;
  • la dérive, si ce groupe de travail n’est pas relié à l’établissement et à la direction, et n’y est pas reconnu (cela peut conduire à une perte de sens et à un manque de visée).

 

En résumé

Il est utile de constituer au sein de l’école un groupe capable d’apprendre ensemble à gérer des situations de crise. A cet effet, il importe de se doter d’une organisation qui permette à la fois de prendre du recul sur les situations exposées et de rester en lien avec le dispositif de gestion et de coordination de l’ensemble des actions dans l’établissement.